Qu’elle soit courtisane, érudite ou dévote
péninsule des bruits, des couleurs et de l’or,
ville marchande et rose, voguant comme une flotte,
qui cherche à l’horizon la tendresse d’un port,
elle est mille fois morte, mille fois revécue.
Beyrouth des cent palais, et Béryte des pierres,
Où l’on vient de partout ériger ces statues,
Qui font prier les hommes, et font hurler les guerres.
Ses femmes aux yeux de plage qui s’allument la nuit,
et ses mendiants semblables à d’anciens pythies.
A Beyrouth chaque idée habite une maison.
A Beyrouth chaque mot est une ostentation.
A Beyrouth l’on décharge pensées et caravanes,
flibustiers de l’esprit, prêtresses ou bien sultanes.
Qu’elle soit religieuse, ou qu’elle soit sorcière,
ou qu’elle soit les deux, ou qu’elle soit charnière,
du portail de la mer ou des grilles du levant,
qu’elle soit adorée ou qu’elle soit maudite
qu’elle soit sanguinaire, ou qu’elle soit d’eau bénite,
qu’elle soit innocente ou qu’elle soit meurtrière,
en étant phénicienne, arabe, ou roturière,
en étant levantine aux multiples vertiges,
comme ces fleurs étranges fragiles sur leurs tiges,
Beyrouth est en Orient le dernier sanctuaire,
où l’homme peut toujours s’habiller de lumière.