I.
Je suis Gabriel Péri
Nous filons loin de Paris
Mon cœur de Français a froid
La mort c’est toujours tout droit
Ils portent un uniforme
Leur tête n’a pas de forme
Ils ne laissent pas de trace
Le vent est comme la glace
Dans la rigueur de l’hiver
Il y a parfois du vert
Nous roulons vers la banlieue
Dans un trou à mille lieues
Tout Paris est presque vide
Aucun pli aucune ride
Dans les hauteurs de Suresnes
Le ciel est lent comme un thrène
Sous le soleil de midi
C’était peut-être un lundi
Dans les yeux noirs des nazis
On ne voit que des fusils
La police a l’air française
On siffle la Marseillaise
Partout c’est la Gestapo
Ils vont me faire la peau
Nous marchions main dans la main
Mes amis étaient communs
Le peuple n’y croit plus guère
La France a perdu la guerre
II.
Je suis Gabriel Péri
Ils vont à l’ouest de Paris
C’était un après-midi
J’étais comme au paradis
L’amour est une espérance
J’ai tout donné à la France
Les bourreaux riaient à table
Leurs dents sont épouvantables
Entre les barreaux de fer
Je n’ai pas vécu l’enfer
Il n’y a plus de nuages
Ce sera un long voyage
Des étoiles sans raison
Ont déserté l’horizon
Le soleil a trop brillé
On va être fusillé
Il faut un jour dire adieu
Mon visage était radieux
Devant le Mont-Valérien
J’ai versé mon sang pour rien
La France bat dans mon cœur
Comme la joie d’un vainqueur
Ils ont prié pour mon âme
Je suis rentré voir ma femme
Les balles sont généreuses
Ma fin a été heureuse
Que je sois mort ou vivant
Les drapeaux flottent au vent
15 décembre 1941
dit par Roxane NOUBAN