Mignonne, allon voir si la rose
Qui ce matin avoit declose
Sa robe de pourpre au soleil,
A point perdu, ceste vesprée,
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vostre pareil.
Las ! Voiés comme en peu d’espace,
Mignonne, elle a dessus la place
Las ! las ! ses beautés laissé cheoir !
O vrayment maratre Nature,
Puis qu’une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir.
Donc, si vous me croiés, mignonne :
Tandis que vôtre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillés, cueillés vôtre jeunesse
Comme à cette fleur, la vieillesse
Fera ternir vôtre beauté.
Pierre de RONSARD (Les Amours, 1553)