La froidure paresseuse
De l’yver a fait son tems;
Voicy la saison joyeuse
Du délicieux printems.
La terre est d’herbes ornée,
L’herbe de fleuretes l’est;
La feuillure retournée
Fait ombre dans la forest.
De grand matin la pucelle
Va devancer la chaleur
Pour de la rose nouvelle
Cueillir l’odorante fleur.
Pour avoir meilleure grace
Soit qu’elle en pare son sein,
Soit que present elle en face
A son amy de sa main:
Qui, de sa main l’ayant uë
Pour souvenance d’amour,
Ne la perdra point de vuë,
La baisant cent fois le jour.
Mais oyez dans le bocage
Le flageolet du berger,
Qui agace le ramage
Du rossignol bocager.
Voyez l’onde clere et pure
Se cresper dans les ruisseaux;
Dedans, voyez la verdure
De ces voisins arbrisseaux.
La mer est calme et bonasse;
Le ciel est serein et cler,
La nef jusqu’aux Indes passe;
Un bon vent la fait voler.
Les menageres avetes
Font çà un doux fruit,
Voletant par les fleuretes
Pour cueillir ce qui leur duit.
En leur ruche elles amassent
Des meilleures fleurs la fleur,
C’est à fin qu’elles en facent
Du miel la douce liqueur.
Tout resonne des voix nettes
De toutes races d’oyseaux,
Par les chams des alouetes,
Des cygnes dessus les eaux.
Aux maisons, les arondelles,
Les rossignols, dans les boys,
En gayes chansons nouvelles
Exercent leurs belles voix.
Doncques, la douleur et l’aise
De l’amour je chanteray,
Comme sa flame ou mauvaise,
Ou bonne, je sentiray.
Et si le chanter m’agrée,
N’est-ce pas avec raison,
Puis qu’ainsi tout se recrée
Avec la gaye saison?
dit par Robert MANUEL