O Fontaine Bellerie,
Belle fontaine cherie
De nos Nymphes, quand ton eau
Les cache au creux de ta source,
Fuyantes le Satyreau,
Qui les pourchasse à la course
Jusqu’au bord de ton ruisseau,
Tu es la Nymphe eternelle
De ma terre paternelle :
Pource en ce pré verdelet
Voy ton Poëte qui t’orne
D’un petit chevreau de lait,
A qui l’une et l’autre corne
Sortent du front nouvelet.
L’Esté je dors ou repose
Sus ton herbe, où je compose
Caché sous tes saules vers,
Je ne sçay quoy, qui ta gloire
Envoira par l’univers,
Commandant à la Memoire
Que tu vives par mes vers.
L’ardeur de la Canicule
Ton verd rivage ne brule,
Tellement qu’en toutes pars
Ton ombre est espaisse et druë
Aux pasteurs venans des parcs,
Aux boeufs las de la charruë,
Et au bestial epars.
Iô ! tu seras sans cesse
Des fontaines la princesse,
Moy celebrant le conduit
Du rocher percé, qui darde
Avec un enroué bruit
L’eau de ta source jazarde
Qui trepillante se suit.
dit par Jean PIAT (fragment)
Pierre de RONSARD (Odes, 1550-1552)