Adieu la Court, adieu les dames,
Adieu les filles et les femmes,
Adieu vous dy pour quelque temps,
Adieu vos plaisans passetemps;
Adieu le bal, adieu la dance,
Adieu mesure, adieu cadence,
Tabourins, haulboys, violons,
Puis qu’à la guerre nous allons.
Adieu donc les belles, adieu,
Adieu Cupido vostre Dieu,
Adieu ses fleches et flambeaux.
Adieu vos serviteurs tant beaulx,
Tant polliz et tant dameretz :
O comment vous les traicterez,
Ceulx qui vous servent à ceste heure !
Or adieu quiconque demeure,
Adieu laquais, et le vallet,
Adieu la torche et le mulet.
Adieu monsieur qui se retire
Navré de l’amoureux martyre,
Qui la nuict sans dormir sera,
Mais en ses amours pensera.
Adieu le bon jour du matin,
Et le blanc et le dur tetin
De la belle qui n’est pas preste;
Adieu une autre qui s’enqueste
S’il est jour ou non là dedans.
Adieu les signes evidens
Que l’un est trop mieulx retenu
Que l’autre n’est le bien venu.
Adieu qui n’est aymé de nulle,
Et ne ser que tenir la mule.
Adieu festes, adieu banquetz,
Adieu devises et caquetz,
Où plus y a de beau langage
Que de serviette d’ouvrage,
Et moins vraye affection,
Que de dissimulation.
Adieu les regardz gracieux,
Messagers des cueurs soucieux;
Adieu les profondes pensées,
Satisfaictes ou offensées :
Adieu les armonieux sons
De rondeaulx, dizains et chansons;
Adieu, piteux departement,
Adieu regretz, adieu tourment,
Adieu la lettre, adieu le page,
Adieu la court et l’equipage,
Adieu l’amytié si loyalle,
Qu’on la pourroit dire royalle,
Estant gardée en ferme foy
Par ferme cueur digne de roy.
Mais adieu peu d’amour semblable
Et beaucoup plus de variable.
Adieu celle qui se contente,
De qui l’honnesteté presente,
Et les vertuz dont elle herite,
Recompensent bien son merite.
Adieu les deux proches parentes,
Pleines de graces apparentes
Dont l’une a ce qu’elle preten,
Et l’autre non ce qu’elle attend.
Adieu les cueurs uniz ensemble,
A qui l’on faict tort, ce me semble,
Qu’on ne donne fin amyable
A leur fermeté si louable.
Adieu celle qui tend au poinct
A veoir un qui n’y pense point,
Et qui reffuz ne feroit mye
D’estre sa femme en lieu d’amye.
Adieu à qui gueres ne chault
Car elle sçait tresbien l’usage
De changer souvent son visage;
Adieu, amyable autant qu’elle,
Celle que maistresse j’appelle.
Adieu l’esperance ennuyeuse
Où vit la belle et gracieuse,
Qui par ses secrettes douleurs
En a prins les pasles couleurs;
Adieu l’autre nouvelle pasle,
De qui la santé gist au masle;
Adieu la triste que la mort
Cent foys le jour poinct et remort.
Adieu ma mye la derniere,
En vertuz et beauté premiere;
Je vous pry me rendre à present
Le cueur dont je vous feiz present,
Pour en la guerre, où il faust estre,
En faire service à mon maistre.
Or quand de vous se souviendra,
L’aiguillon d’honneur l’espoindra
Aux armes et vertueux faict.
Et s’il en sortoit quelque effect
Digne d’une louenge entiere,
Vous en seriez seule heritiere.
De vostre cueur donc vous souvienne
Car si Dieu veult que je revienne,
Je le rendray en ce beau lieu.
Or je fais fin à mon Adieu.
dit par Maria CASARÈS (abrégé)