Tranquilles et leur ombre allongée sur les champs, les grands boeufs descendaient au profil d’un coteau, traînant les moissons d’or sous les feux du couchant, et tout l’été passait dans les lourds chariots.
L’herbe de la prairie, où glissait l’or de l’air, soulevait des vapeurs et grisait mon émoi ; la luzerne et le thym, par flots lissant la terre, venaient, flots de senteur, se perdre jusqu’à moi.
Que les couchants sont doux à l’âme douloureuse, et qu’il est bon de s’attendrir avec le jour ! Ces heures apaisées sont la patrie heureuse où l’homme oublie la haine et rêve un peu d’amour.
O j’ai vécu, ce soir, j’ai vécu des senteurs ! Et je croyais revivre, en un monde attendri, ces belles charités et toute la douceur qui fleurissaient mon âme au printemps de ma vie…
dit par Fernand LEDUX
Paul FORT(Ballades françaises, 1922-1958)