N’écris pas, je suis triste et je voudrais m’éteindre.
Les beaux étés sans toi, c’est la nuit sans flambeau.
J’ai refermé mes bras qui ne peuvent t’atteindre,
Et frapper à mon coeur, c’est frapper au tombeau,
   N’écris pas !

N’écris pas. N’apprenons qu’à mourir à nous-mêmes.
Ne demande qu’à Dieu … qu’à toi, si je t’aimais !
Au fond de ton absence écouter que tu m’aimes,
C’est entendre le ciel sans y monter jamais.
   N’écris pas !

N’écris pas. Je te crains; j’ai peur de ma mémoire:
Elle a gardé ta voix qui m’appelle souvent.
Ne montre pas l’eau vive à qui ne peut la boire.
Une chère écriture est un portrait vivant.
   N’écris pas !

N’écris pas ces doux mots que je n’ose plus lire,
Il semble que ta voix les répand sur mon coeur;
Que je les vois brûler à travers ton sourire;
Il semble qu’un baiser les empreint sur mon coeur.
   N’écris pas !

dit par Gilles-Claude THERIAULT

Marceline DESBORDES-VALMORE (Poésies inédites, 1860)