-S’enlaçaient les domaines voûtés d’une aurore grise dans un pays gris, sans passions, timide,
-S’enlaçaient les cieux implacables, les mers interdites, les terres stériles,
-S’enlaçaient les galops inlassables de chevaux maigres, les rues où les voitures ne passaient plus, les chiens et les chats mourants,
-S’auréolaient de pâleur charmante les femmes, les enfants et les malades aux sens limpides,
-S’auréolaient les apparences, les jours sans fin, jours sans lumière, les nuits absurdes,
-S’auréolait l’espoir d’une neige définitive, marquant au front la haine,
-S’épaississaient les astres, s’amincissaient les lèvres, s’élargissaient les fronts comme des tables inutiles,
-Se courbaient les sommets accessibles, s’adoucissaient les plus fades tourments, se plaisait la nature a ne jouer qu’un rôle,
-Se répondaient les muets, s’écoutaient les sourds, se regardaient les aveugles
-Dans ces domaines confondus où même les larmes n’avaient plus que des miroirs boueux, dans ce pays éternel qui mêlait les pays futurs, dans ce pays où le soleil allait secouer ses cendres.

dit par Gérard PHILIPE

Paul ÉLUARD (Le Livre ouvert II, 1942)