Presque nue et soudain sortie
D’un piège de boue et d’orties,
La bohémienne, pour le compte
Du cirque, vole un fils de comte.

Tandis que la mère appelle,
Folle, debout sur l’allée,
L’enfant, en haut d’une échelle,
Au cirque apprenait à voler.

On peut voler à tout âge ;
Le cirque est un cerf-volant.
Sur ses toiles, sur ses cordages,
Volent les voleurs d’enfants.

Volés, voleurs ont des ailes
La nuit derrière les talus,
Où les clameurs maternelles
Ne s’entendent même plus.

Reviens, mon chéri, mon bel ange !
Aie pitié de ma douleur !
Mais l’enfant reste sourd et mange
La bonne soupe des voleurs.

Quatre fois le sommeil lui coupe
Le cou à coups de vin amer ;
Auprès de l’assiette à soupe,
Sa tête roule dans les mers.

A voler le songe habitue.
L’enfant rêve d’une statue
Effrayante, au bord d’un chemin,
Et… qui vole avec les mains.

 

dit par Jean MERCURE

Jean COCTEAU (Opéra, 1925-1927)