La raison du plus fort est toujours la meilleure,
-Nous l’allons montrer tout à l’heure.
-Un agneau se désaltérait
-Dans le courant d’une onde pure.
Un Loup survient à jeun qui cherchait aventure,
-Et que la faim en ces lieux attirait.
« Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ?
-Dit cet animal plein de rage :
Tu seras châtié de ta témérité.
– Sire, répond l’Agneau, que Votre Majesté
-Ne se mette pas en colère ;
-Mais plutôt qu’elle considère
-Que je me vas désaltérant
-Dans le courant,
-Plus de vingt pas au-dessous d’Elle,
Et que par conséquent en aucune façon
-Je ne puis troubler sa boisson.
– Tu la troubles, reprit cette bête cruelle,
Et je sais que de moi tu médis l’an passé.
– Comment l’aurais-je fait si je n’étais pas né ?
-Reprit l’Agneau, je tette encor ma mère.
-– Si ce n’est toi, c’est donc ton frère.
-– Je n’en ai point. – C’est donc quelqu’un des tiens :
-Car vous ne m’épargnez guère,
-Vous, vos bergers, et vos chiens.
On me l’a dit : il faut que je me venge. »
-Là-dessus, au fond des forêts
-Le loup l’emporte, et puis le mange,
-Sans autre forme de procès.

 

dit par Gilles-Claude THERIAULT

dit par Olivia BAUDOIN

Jean de LA FONTAINE (Les Fables, 1668-1678)